L'emploi pour lutter contre la pauvreté : les défis à relever
Allocution de M. Richard Gravel, président du Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale lors de la journée de réflexion sur le revenu minimum garanti tenue le 25 octobre 2017, à Montréal, au Palais des Congrès
Merci d'avoir répondu en si grand nombre à l'invitation de réfléchir ensemble sur la question du revenu minimum garanti. C'est avec un immense plaisir que le Comité consultatif participe à la tenue de cette journée de réflexion. C'est au cœur même de son mandat, inscrit dans la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, de procéder à des consultations, de solliciter des opinions, de recevoir ou d'entendre les demandes et les suggestions de personnes, d'organismes ou d'associations, en matière de pauvreté ou d'exclusion sociale et de s'associer à d'autres organismes pour le faire. À cet effet, je remercie la présidente du Conseil du statut de la femme, Me Louise Cordeau, de même que Me Claire Bernard, directrice adjointe à la recherche de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, d'avoir accepté que leurs organismes respectifs participent à l'organisation de cette journée. Les dossiers distincts portés par nos organisations convergent sur plusieurs enjeux : les droits de la personne, l'égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale sont étroitement liés et notre collaboration aujourd'hui vient le démontrer concrètement.
Je profite de l'occasion pour remercier Mme Sylvie Morel et M. Luc Godbout d'avoir accepté l'invitation d'agir comme panéliste, de même que toutes les personnes qui assureront le bon fonctionnement des ateliers qui se tiendront cet après-midi : les personnes expertes, les animatrices et les animateurs et les preneuses et preneurs de notes.
Le Comité consultatif, de par sa fonction, place en priorité la lutte contre la pauvreté et l'amélioration du revenu des personnes en situation de pauvreté. Pour lui, il est fondamental de rester branché sur les milieux et les personnes directement concernés par la nécessité d'améliorer le soutien du revenu afin que ses avis et recommandations reflètent aussi fidèlement que possible les priorités à mettre en place en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, de même que les préoccupations et les aspirations des Québécoises et des Québécois en cette matière.
Aujourd'hui, nous nous plaçons en mode écoute et nous sommes confiants de pouvoir puiser ici le bagage nécessaire pour nourrir la réflexion du Comité sur un enjeu majeur et complexe : celui du revenu minimum garanti. Il est important pour nous d'entendre les préoccupations portées par rapport à des changements possibles sur une question aussi cruciale que le revenu disponible des personnes, particulièrement celui des personnes en situation de pauvreté. Nous sommes en présence de chercheurs, d'intervenants du terrain et des groupes communautaires, de personnes en situation de pauvreté, de citoyens engagés. Nous souhaitons entendre les différentes perceptions sur le revenu minimum garanti, savoir comment cette idée est accueillie dans les milieux, quelles sont les craintes ou les espoirs portés et ressentis devant un enjeu qui touche de près la délicate question du soutien du revenu.
Le Comité n'a jamais pris position sur le revenu minimum garanti. À ses yeux, il s'agit d'un véhicule parmi d'autres pour soutenir le revenu des personnes. Plusieurs formules sont possibles. Le Comité amorce actuellement des travaux sur une forme de revenu minimum garanti ciblée : les programmes d'assistance sociale. D'entrée de jeu, force est de reconnaître que la mécanique de ces programmes d'assistance sociale est complexe et que, dans plusieurs cas, les montants consentis sont loin de couvrir l'essentiel des besoins de base. Nous pourrions tous, à commencer par les personnes en situation de pauvreté, profiter des avantages d'un modèle de soutien du revenu plus simple et plus équitable. Plusieurs recommandations formulées dans des avis déjà publiés par le Comité rappellent que le modèle actuel crée des ruptures dans la progression du revenu disponible et proposent d'améliorer l'équité et mieux soutenir l'intégration au marché du travail.
Que le véhicule choisi pour un soutien financier soit universel ou ciblé, l'objectif à prioriser est d'assurer un revenu disponible qui prenne en compte ce qu'il en coûte pour vivre décemment. C'est la cible qui importe. Il sera toujours possible ensuite de travailler sur l'outil permettant d'y avoir accès. Le Comité consultatif a fixé des cibles. Pour le faire, il s'est appuyé sur les travaux du Centre d'étude sur la pauvreté et l'exclusion qui privilégiait la Mesure du panier de consommation pour suivre l'évolution des situations de pauvreté sous l'angle de la couverture des besoins. Beaucoup de chemin reste à faire pour les atteindre.
Depuis l'adoption de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale en 2002, la situation des ménages avec enfants s'est améliorée. C'est le soutien aux enfants qui a permis de faire ces pas. Hormis l'indexation annuelle, l'aide financière de dernier recours est pratiquement restée au même niveau. Toutefois, il ne faut pas prendre pour acquis le progrès constaté car certains reculs apparaissent depuis quelques années. De plus, ce ne sont pas tous les groupes de personnes qui ont profité d'avancées dans la couverture de leurs besoins de base. Les personnes seules et les couples sans enfants restent encore bien en deçà des cibles proposées et perdent également du terrain au fil du temps. La réflexion d'aujourd'hui nous permettra sûrement d'y voir plus clair et de trouver des voies permettant, comme le dit la Loi « … d'intervenir à la fois sur les causes et sur les conséquences de la pauvreté et de l'exclusion sociale pour que chaque personne puisse disposer du soutien et de l'appui que nécessite sa situation. »
Je nous souhaite des échanges ouverts et fructueux qui pourront contribuer à des choix permettant de tendre davantage vers un Québec sans pauvreté et à faire en sorte que le revenu disponible des personnes corresponde réellement à ce qu'il en coûte pour vivre. Cet objectif doit passer des mesures de soutien du revenu, et ce quel que soit le modèle priorisé.
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